Atelier – Le statut des intermittents et de ses évolutions – Maitre Anne Marie PECORARO

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8 novembre 2017 8 h 30 min - 10 h 30 min

Eliote

66 rue de la Reine 92100 Boulogne-Billancourt

Le statut des intermittents et de ses évolutions animé par Maitre Anne-Marie PECORARO

Maitre Anne Marie PECORARO, avocate au Barreau de Paris, associée fondatrice de A TURQUOISE, cabinet spécialisé en droit économique, droit de la propriété intellectuelle et média à Paris et Bruxelles animera ce nouvel atelier.

Son parcours
Une forte implication au seing des associations professionnelles :
IFTA – Independent Film & Television Alliance
IAEL – International Association of Entertainment Lawyer
APRAM – Association des Praticiens du Droit des Marques et des Modèles
AFPIDA-ALAI – Association Française pour la Protection Internationale du Droit d’Auteur – Association Littéraire et artistique Internationale
ACEECCA – Association des Conseils et Experts Européens du Cinéma et de la Communication Audiovisuelle

Membre représentant l’Europe du Advisory Council du Public Interest Registry

Ses publications :
Coéditrice et co-auteur du Livre de l’IAEL :
Tech : Disruption and Evolution in the Entertainment Industries, 2017
Creative Lawyering for Growth in the Entertainment Industry, 2013

Publications régulières d’articles dans des revues et des journaux spécialisés en propriété intellectuelle et en droit des médias en France (La lettre de l’Audiovisuel ; Les Petites affiches) et à l’étranger (Media Law International

L’atelier :

SPEAKERS
QUEMY Frédéric – Pôle Emploi
CHEVALIER Louis – Pôle Emploi
FELDMAN Isabelle – Audiens
DAILLIE Bertrand – Procureur de la République

Un régime plus que jamais au centre de nombreuses interrogations

Créé en 1936, et intimement lié à l’audiovisuel en France, le régime des intermittents organise un accès spécial aux droits à indemnité chômage, qui a souvent été au cœur de polémiques diverses.

Ayant traversé des crises, le statut des intermittents du spectacle n’a cessé d’évoluer. Il est au cœur de la santé de l’audiovisuel français, et l’incidence de son organisation est cruciale tant pour les employés que pour les employeurs.

Comment débattre de ce régime pour l’améliorer, sans l’affaiblir ?

Quelles seraient les incidences de réformes actuellement envisagées sur le régime des intermittents ?

Quelles solutions pourraient être mises en avant afin de prendre en compte certaines positions des intermittents du spectacle, mais aussi du gouvernement et les organismes sociaux ?

Comment s’appuyer sur ce régime pour assurer toutes les chances à l’emploi ? Assurer aux employeurs de pouvoir recruter selon leurs besoins ? Maintenir les meilleures chances pour l’audiovisuel français si réputé pour l’expertise de ses acteurs ?

Le gouvernement d’Edouard Philippe a entrepris de réformer le code du travail et l’assurance-chômage. Dans quelle mesure cela va-t-il impacter les intermittents ?

De plus, Le budget des groupes de l’audiovisuel public (France Télévisions, Radio France…) est annoncé en réduction de 36 millions d’euros en 2018 par rapport à 2017, pour contribuer à la maîtrise des dépenses publiques. Quelles conséquences craindre de cette coupe budgétaire pour les intermittents de l’audiovisuel ? Comment va se répartir cette baisse du budget ?

Rappels : un système particulier de protection qui a fait ses preuves

Définitions et apparition du régime
Un intermittent du spectacle est un artiste ou technicien qui travaille par intermittence pour des entreprises du spectacle vivant, du cinéma, et de l’audiovisuel et qui bénéficie, suivant des critères de nombres d’heures travaillées, et après une cotisation complémentaire appliquée uniquement à cette tranche socio-professionnelle d’allocations chômages.

Crée en 1936, ce régime permet à une personne d’avoir plusieurs employeurs. Il est mis en place en 1965 pour le secteur cinématographique puis étendue aux techniciens du disque et de l’audiovisuel. En 1968, il s’applique aux entreprises du spectacle puis étendu aux artistes interprètes et aux techniciens du spectacle vivant.

Déséquilibre de l’assurance-chômage et permittence : les problèmes du régime
S’agissant du budget de l’assurance chômage :
• Il coûte 1 milliard d’euros par an selon la Cour des comptes au profit de 3% seulement des demandeurs d’emploi (dans son rapport de 2012)
• Les allocations distribuées sont supérieures aux cotisations versées dans le secteur
• Le déficit de ce régime représente un tiers du déficit total de l’assurance chômage

S’agissant des abus :
• La « permittence » : des employés permanents sous contrat d’intermittent.

Un régime qui a connu de nombreuses crises
A partir de 2003, le régime est modifié. Il faut désormais travailler 507h sur 10 mois pour être indemnisé pendant 8 mois (contre 610 heures sur vingt-huit mois pour les salariés du régime général). Une fois atteintes ces 507 heures — soit trois mois et demi de travail, l’indemnisation dure huit mois, alors que le régime général est basé sur un jour d’indemnisation par journée travaillée.

CGT et Force ouvrière contestent ces accords car ils dégraderaient les conditions d’indemnisation des intermittents du spectacle, de la production cinématographique et de l’audiovisuel. L’absence de mesures permettant de lutter contre les abus et la précarité du travail est également dénoncée.

La nouvelle convention sur l’allocation chômage le 22 mars 2014 durcit les conditions d’indemnisation. Les intermittents contestent ce nouvel accord car il ne prend pas en compte toutes les heures travaillées et durcit les conditions d’accès au régime spécial.

Fin de la crise en aout 2015 avec la Loi n°2015-994 du 17 aout 2015 : « sanctuarisation » du régime des intermittents dans une loi qui confère une base législative à ce statut particulier. Ce faisant, le gouvernement a suivi les recommandations du rapport de 2015 sur le statut (Archambault, Combrexelle et Gille).

Une nouvelle crise s’ouvre en 2016. Depuis 2015, le régime des intermittents du spectacle était inscrit dans la loi comme composante obligatoire des conventions d’assurance chômage. Ces règles évoluent sur proposition des partenaires sociaux des branches représentatives du secteur, dans les limites d’un cadre fixé par les organisations syndicales et patronales siégeant à l’Unedic. Lorsqu’un accord est trouvé le texte est ensuite soumis aux partenaires sociaux « nationaux » qui peuvent les conserver ou les modifier lors des négociations.

En juin 2016, le MEDEF quitte la table des négociations suspendant ainsi les négociations. En l’absence de validation interprofessionnelle, c’est le ministère du travail qui a décidé de leur application par décret en date du 13 juillet 2016 (applicable depuis le 1er aout 2016 pour une partie des dispositions, et depuis le déc. 2016 pour d’autres).

Un régime réformé qui reste insatisfaisant pour beaucoup

Les nouveaux dispositifs du régime
• Désormais il faut travailler 507h sur 12 mois pour être indemnisé pendant 12 mois.
• Valorisation des cachets à 12heures
• Prise en compte des heures d’enseignement pour les artistes et pour les techniciens (qui était jusque-là pris en compte que pour les artistes) : on prend donc en compte 70h (contre 55h auparavant) ;
• Instauration d’une allocation « plancher » : minimum 38 € pour l’annexe 8 et 44 € pour l’annexe 10.
• Neutralisation des baisses d’indemnisation après un congé maternité
• Réduction de la franchise qui limite le montant de l’indemnisation selon le montant des salaires perçus ;
• Création du FONPEPS (cf. encadré)

Les 5 autres mesures entreront en vigueur au printemps 2018 :
• Aide à la garde d’enfant d’artistes et techniciens intermittents ;
• Fonds pour les groupements d’entreprises de la culture ;
• Dispositif de soutien à l’emploi dans les secteurs fragiles cafés-culture ;
• Dispositif de soutien à l’emploi dans les secteurs fragiles/ petits lieu de diffusion de musique/théâtre/danse ;
• Dispositif de soutien à l’emploi des artistes dans le secteur de l’édition phonographique

Il existe malgré tout des problèmes persistants du fait de mesures défavorables pour les intermittents auxquelles le décret du 13 juillet 2016 n’a pas remédié :
• Différé congés payés : les congés payés ne sont toujours pas pris en compte lors de la recherche des heures pour l’ouverture des droits ;
• Baisse du plafond mensuel du cumul revenus + indemnités : abaissé à 1,18 du plafond mensuel de la sécurité sociale, soit 3 797,24 €.

Quel bilan tirer du décret du 13 juillet 2016 ?

Les mesures incitatives mises en place par le FONPEPS en terme d’emploi pour le secteur de l’audiovisuel sont-elles suffisantes aujourd’hui ?

Faut-il s’inspirer des acquis du FONPEPS pour redéployer les renégociations de mars 2018 ?

Selon les représentants de “Pôle Emploi spectacle” qui ont tenu à rappeler leurs deux missions visant d’une part l’indemnisation et d’autre part le placement, il existe une montée en puissance des CDI et une recherche vers la quarantaine d’une sortie du statut de l’intermittence. Toutefois, l’appartenance à l’intermittence entraine une sorte d’identité à laquelle les artistes sont attachés et qui n’existe pas chez les autres demandeurs d’emploi.

La question de l’ouverture de ce statut vers les indépendants est aujourd’hui posée avec les nouveaux modes de travail et la délinéarisation des carrières.

La nécessité d’un assouplissement des conditions de l’emploi semble actée selon le procureur Bertrand Daillie qui estime le secteur de l’intermittence très fragile avec des employeurs difficiles comme les sociétés de production qui cherchent à maximaliser leur profit. L’évocation des CDDU, de leur transformation en CDI concluent ses propos.

 

Annexes

Le statut en chiffres
En 2015 : 253 000 intermittents du spectacle en France, donc 43,8 % en IDF.
• 152 000 sont des artistes (60%)
• 101 000 sont des techniciens (40%)
• 25% des intermittents réalise seulement 1 contrat de travail au cours de l’année 2015
• 8,6 % réalisent plus de 50 contrats dans l’année
• La moyenne est de 16,5 contrats au cours de l’année 2015
• En moyenne le nombre d’heures travaillées par salarié intermittent est de 385 heures contre 379 en 2014 (+1.7%)

S’agissant de l’audiovisuel :
• Ce secteur concentre 55% de la masse salariale et 42% des heures travaillées
• 1/3 des contrats sont effectués dans l’audiovisuel et 8 contrats sur 10 le sont pour des employeurs du secteur de la production audiovisuelle, cinéma et animation

Le CDDU
Crée en 1998, ce contrat qui peut être conclu à plusieurs reprises successivement avec le même salarié lorsqu’il est d’usage constant de ne pas recourir au CDI en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois (liste à l’art. D. 1242-1 C. Travail).

Les juges du fond doivent vérifier que le recours à l’utilisation de CDD successifs doit être justifié par des raisons objectives et concrètes.

Le Fonds national pour l’emploi pérenne dans le spectacle (FONPEPS)
C’est quoi ? 1er fonds (90 millions d’€) créé par Manuel Valls pour soutenir activement l’emploi pérenne dans le spectacle vivant et enregistré ;
Pourquoi ? Volonté du Gouvernement de favoriser l’emploi durable dans le secteur du spectacle, notamment en soutenant l’embauche en CDI ;
Quand ? Depuis janvier 2017, 4/9 des dispositifs sont accessibles à savoir :
- L’aide à l’embauche d’un 1er salarié en CDI pour les entreprises relevant des branches du spectacle ;
 – La prime à l’emploi pérenne de salariés du spectacle ;
 – La prime aux contrats de longue durée dans le secteur du spectacle ;
 – L’aide à l’embauche des jeunes artistes diplômés
Les autres dispositifs entreront en vigueur au printemps 2018.

-> L’aide à l’embauche d’un 1er salarié en CDI pour les entreprises relevant des branches du spectacle :
Pour qui ? 1er salarié embauché en CDI dont salaire inférieur à 3 Smic
Combien ? 1000 € par trimestre pendant 2 ans

-> La prime à l’emploi pérenne de salariés du spectacle :
– Pour qui ? tout intermittent qui relève des annexes 8 et 10, embauché en CDI, dont le salaire est inférieur à 3 smic
– Combien ? montant dégressif : 10 000 euros la 1ère année, 8 000 € la 2e année, 6 000 la 3e année, 4 000 € la dernière année

-> La prime à l’emploi pérenne de salariés du spectacle :
– Pour qui ? salariés, artistes ou techniciens, embauchés en CDD de longue durée, dont le salaire est inférieur à 3 SMIC dans les entreprises du spectacle de – de 100 temps pleins annuels ;
– Combien ? 500€ = contrat 2 à 3 mois
800€ = contrat 3 à 6 mois
1800 € = contrat 6 mois à 1 ans
4000 € = contrat d’un an ou +

-> L’aide à l’embauche des jeunes artistes diplômés
– Pour qui ? Artiste embauché en CDI ou CDD d’ua moins 4 mois dans les 3 ans suivant l’obtention de son diplôme ;
– Combien ? 1000 €/mois, renouvelable tous les 12 mois suivant la date de début d’’exécution du contrat dans la limite de 3 ans.